Les Salles Obscures

Le passé éclaire le futur

Oui, monsieur ! – Baisers Volés – François Truffaut 5 février 2010

François Truffaut, on le sait, avait une véritable passion pour la littérature, à tel point, qu’il n’a pas hésité à s’inspirer très fortement d’un très beau roman d’Anatole France (1844-1924), grand écrivain français du siècle dernier, pour élaborer une scène fameuse de son film Baisers volés (1970). Chef-d’oeuvre du 7 ème art, avec un Doisnel très troublé par le jeu de séduction sans équivoque de l’ensorcelante Delphine Seyrig, une ressemblance troublante avec la jeune fille du roman d’Anatole France qui a de quoi troubler tout investigateur un peu perspicace. A vous de juger…

« Je vous disais donc qu’en entrant dans le salon, ce soir-là, elle jeta à tout le monde et même au plus humble, qui était moi, quelque miette de son sourire. Je ne la quittai point du regard et je crus surprendre dans ses beaux yeux une expression de tristesse ; j’en fus bouleversé. C’est que, voyez-vous, j’étais une bonne créature. On la pria de jouer au piano. Elle joua un nocturne de Chopin : je n’ai jamais rien entendu de si beau. Je croyais sentir les doigts mêmes d’Alice, ses doigts longs et blancs, dont elle venait d’ôter les bagues, effleurer mes oreilles d’une céleste caresse. (more…)

 

Rohmer for Ever 20 janvier 2010

Filed under: Eric Rohmer est mort — lessallesobscures @ 13:07
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On le sent, Fabrice Luchini est bouleversé. Il voit l’homme qui a transformé un ado blondinet un peu survolté en un comédien pur-sang, infatigable défenseur d’une suavité de la langue et d’une oralité conjuratrice, soudainement encensé par la presse, regretté par tous alors que son relais médiatique a toujours souffert d’une certaine appréhension, entre considération institutionnelle et scepticisme collectif, voire agacement d’un grand public que l’importance conférée au langage, au raffinement des cadrages, et l’élaboration exigeante des caractères pouvaient rebuter.

La journaliste trébuche sur la prononciation du prénom de l’actrice de Ma nuit chez Maud, Luchini, bon prince la tire de ce guêpier en se chargeant lui-même de cette ingrate besogne, expédiant une affaire aussi triste qu’elle s’avère urgente mais finalement simplement symbolique, devoir civique d’une précision qui n’apaise que les démons d’une dette impossible à payer pour un cinéma en quête d’une renaissance impossible. (more…)

 

Eric Rohmer est mort (suite) 12 janvier 2010

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Eric Rohmer est mort

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Le genou de Claire

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Robert Bresson et le cinématographe 7 octobre 2009

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Pour la sortie de son film Pickpocket, Robert Bresson se prête à l’interview télévisée pour une émission sur le cinéma animée par François Chalais et France Roche.

Robert BressonMéfiant, mal à l’aise, Robert Bresson l’est, assurément, il a construit son film, Pickpocket (1959) sur une intuition, une expérience vécue à laquelle il donne instinctivement tout son crédit. France Roche le devine très rapidement et la douceur de sa voix tout autant que la délicatesse de ses sollicitations lui permet d’approcher le cinéaste sans l’effaroucher ; l’anecdote révélée grâce à sa perspicacité, celle d’un voleur réellement rencontré par Bresson est l’amorce véritable de l’entretien et permettra ensuite de mieux cerner la conception que Bresson se fait de son art, tendant toujours à bien dissocier ce qu’il est et ce qu’il produit grâce à ses expériences, celles de son « métier » (selon ses propres dires, Bresson a déjà construit un lien fidèle avec les spectateurs) et celles de la vie, potentiel infini de tentatives douloureuses dont il faut tirer quelques enseignements. Le cinéma de Bresson est un mélange de ces deux éléments. (more…)

 

Qu’est ce qu’un film musical ? (Acte 1) 25 août 2009

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Après l’âge d’or des comédies musicales américaines de Busby Berkeley, Vincente Minnelli, Stanley Donen… le cinéma s’est emparé de la musique populaire avec le documentaire. Les Beatles, Bob Dylan et les Rolling Stones ont été initialement les principaux sujets sans oublier les grands festivals sixties : Monterey, Woodstock et Altamont.

Mick Jagger Gimme ShelterQu’est ce qu’un film musical ? Je vois essentiellement deux genres : la comédie musicale et le documentaire musical. Nous reviendrons sur le premier genre qui cessera d’être une comédie à partir des années 60 (Les parapluie de Cherbourg, Cabaret, Phantom of the paradise, The Rocky Horror Picture Show, Tommy… ne flirtent plus vraiment avec la comédie) pour nous intéresser au second.

Le documentaire musical est presque né avec le rock et ce pour deux raisons. La première est technique, c’est en soixante que les caméras s’allègent et peuvent se porter à l’épaule (on se souvient des difficultés d’Orson Welles pour son doc sur la musique brésilienne…) ; et la seconde, sociologique. Le rock, surtout à partir des années 60 et avec l’arrivée des Beatles, proposent des auteurs aux succès internationaux et non plus de simples interprètes – aussi brillants qu’ils puissent être – façonnés par une industrie à tubes… Le Jazz aurait pu (du) susciter cet intérêt ; mais trop « noir » et élitiste (je pense à la révolution Bop) pour être un sujet de documentaire dans ces années (30/60). Ce qui fait que nous n’avons que des captations de concert de Jazz mis à part le brillantissime film de Bruce Weber sur Chet Baker, Let’s get lost

L’un des premiers grands documentaires rock est Dont look back de D.A. Pennebaker… (J’escamote volontairement le docu sur l’arrivée des Beatles aux USA par les frères Maysles pour manque de point de vue. Ils se rattraperont avec Gimme Shelter). Pennebaker suit Dylan dans sa tournée anglaise de 65 où il est chahuté par les intégristes folk, capture ses rencontres : Donovan (cf. l’article du blog It’s Only Rock’n’Roll : Dylan and Donovan – Dont look back), Allen Ginsberg, Marianne Faithfull, John Mayall… et, bien sûr, lui emboîte le pas où qu’il aille. (more…)

 

Je suis un homosexuel de bonne famille ! 20 août 2009

Après trois films polonais, Andrzej Żuławski réalise en France « L’important c’est d’aimer » film au casting audacieux (Romy Schneider, Jacques Dutronc, Fabio Testi, Klaus Kinski, Claude Dauphin…) qui détonne au milieu des seventies.

Żuławski - Klaus Kinski - L’important c’est d’aimerIl y a toujours chez un réalisateur une scène, un dialogue qui le dit et plus généralement définit une époque.
Cette réplique incroyable extraite du film le plus (re)connu de Żuławski pourrait résumer son approche idéologique et l’éthique d’un cinéma français des années 70. Le jeu constant avec les limites des codes de la bourgeoisie (disparu aujourd’hui sauf chez le cinéaste vintage Étienne Chatiliez), l’approche exubérante et non cynique des rapports sociaux, une élégance triviale, forcée se sauvant ainsi de sa vulgarité sont des marques puissantes d’un regard cinématographique post soixante-huitard relevant l’impuissance des années pré-révolutionnaires, leur échec. Que reste-t-il de 68 ?
Żuławski n’a jamais été aimé par les critiques de cinéma (Les Cahiers, Positif, La revue du cinéma…), vécu comme un critique grossier du cinéma de Sautet, un Eustache pour le peuple. Le succès de ce film lui offrit la possibilité de monter en Pologne un film rêvé, son œuvre. Fantasme récurrent chez certains cinéastes (Demy, Coppola…). Il échoua. Il revint en France avec Possession en 81 (Prix d’interprétation féminine à Cannes pour Isabelle Adjani). Levée de boucliers critiques, puis ce fut les films gorgés de galimatias philosophiques : La Femme publique, L’Amour braque … (more…)

 

Le cinéma est une apparition 17 août 2009

Basisers VolésLa femme chez François Truffaut occupe un rôle central ;  elle est même le sujet principal d’un grand nombre de ses films (mère, maitresse, épouse, femme désirée, fantasmée…). Si l’identification des personnages de Truffaut au titre presque trompeur de L’homme qui aimait les femmes parait facile, elle est erronée. Les héros de Truffaut ne sont pas des collectionneurs, mais des chercheurs. Ils sont en quête de l’idée, au sens platonicien, de la femme ; de son essence. Baisers Volés en est un parfait exemple. 3ème épisode de la saga Antoine Doinel, le double de Truffaut est amoureux de Christine Darbon. Il croise également Colette, son fantasme du précédent épisode Antoine et Colette, mais elle est accompagnée de son mari et de son enfant. Fin définitive de l’histoire d’amour pour Antoine… Mais, sa rencontre avec Fabienne Tabard bouleverse l’ordre de ses désirs.

Après avoir exercé divers métiers, Antoine est engagé dans une agence de détectives. Il est placé dans un magasin de chaussures dont le patron, Georges Tabard, se plaint d’être haï par son personnel. Antoine est chargé de découvrir pourquoi. (more…)